L’oie d’Alsace est un palmipède de petite taille issue de croisements variés aux fins d’obtenir le meilleur développement possible du foie après son
gavage. L’archétype parfait est un sujet assez bas sur pattes, au corps volumineux, dont la masse, pour le mâle autant que pour la femelle, oscille entre 4 et
5 kilogrammes. Diverses variétés sont reconnues, aux plumages gris, blanc, gris et blanc, ou encore tacheté gris et blanc. L’origine de cette oie se situe
dans les vallées de la basse Alsace : Zorn, Bruche, Sauer, Moder, ainsi que dans la plaine du Ried.
L’oie est gavée à partir de sa quatorzième semaine, deux à trois fois par jour, de maïs bouilli et additionné de graisse, ainsi que de sel et de ferments
lactiques. L’éleveur doit éviter tout stress à l’animal en le manipulant avec dextérité. Parmi les recettes fameuses qui président dans la région, se
distinguent la soupe aux abattis d’oie, le cou d’oie farci, la choucroute à l’oie, le civet d’oie à l’alsacienne, l’oie aux marrons et, surtout, l’oie rôtie
de la Saint-Martin, sans omettre, bien entendu, le foie gras d’oie d’Alsace.
L’élevage des oies en Alsace remonte à l’époque romaine. Au cours du Moyen Âge, plusieurs écrits attestent de la denrée précieuse que l’oie représente,
associée aux festivités. Ainsi, au XIe siècle, les chanoines de la cathédrale de Strasbourg reçoivent-ils 6 oies, de la Toussaint au Carême. En 1495, les
conditions d’engraissement des oies sont même soumises à un règlement. A partir du XVIe siècle, les paysans de la communauté juive alsacienne introduisent la
fabrication du foie gras. Cependant, il faut attendre le XVIIIe siècle pour que ce savoir-faire se développe dans la région. Les femmes du Kochersberg
excellent alors, paraît-il, dans la technique du gavage (une technique remontant, elle, à l’Egypte antique, issue de l’observation des oies sauvages qui se
gavent avant leur long périple d’automne et de printemps). A l’époque du Reichsland le troupeau d’oies alsacien dépasse les 100 000 têtes (les ¾ dans le
Bas-Rhin). Rançon du succès, les fabricants de foie gras alsacien se mettent à importer des oies des pays de l’Est (Hongrie, Tchécoslovaquie et Pologne). De
là, le cheptel d’oies alsaciennes ne cesse de décroître. De nos jours, les pays de l’Est envoient toujours aux Alsaciens la matière première permettant de
maintenir une tradition ancestrale. Le troupeau d’oie d’Alsace se reconstitue peu à peu, se maintenant aux alentours de 7 000 individus.
Le dieu foie gras préside également aux destinées de la gastronomie alsacienne, déjà si riche en produits et spécialités renommés. La production du foie gras
d’oie alsacien repose sur un savoir-faire ancestral et sur la créativité de ses cuisiniers, davantage que sur la qualité de l’élevage (oie d’Alsace) qui ne
participe plus que pour une part infime dans les approvisionnements, contrairement au Sud-Ouest de la France.
Un foie gras d’oie pèse entre 500 grammes et 1 kilo. Les plus petits sont souvent considérés comme les meilleurs. Foie gras frais ou foie gras mi-cuit, les
fabricants le présentent souvent dans des terrines de porcelaine, en bocal de verre ou sous forme de ballottine. Le foie gras en conserve est, lui, stérilisé
en autoclave à une température supérieure à 100 °C.
Foie gras de Strasbourg et ses toasts, foie gras au torchon, foie gras d’oie en croûte, foie gras d’oie en brioche, médoielons de foie gras à la
strasbourgeoise, foie gras à la colmarienne (foie gras malaxé, cuit au torchon, relevé de couches de lamelles de truffes), etc. Les spécialités abondent ! A
Noël, ce must de la gastronomie alsacienne, se consomme également chaud, aux raisins et pommes reinettes.
L’oie et le foie gras tiennent une place de choix sur la table de Noël en Alsace. Si le foie gras fut y introduit par les Romains, les Egyptiens pratiquaient
déjà depuis des siècles avant notre ère la technique du gavage. Après l’effondrement de l’Empire romain, le foie gras retomba dans l’oubli. Ce sont les Juifs,
qui maîtrisaient parfaitement la technique du gavage et de la conservation du foie d’oie, qui le ramenèrent d’Europe centrale jusqu’en Alsace, ce à partir du
XVIe siècle.
Il faudra attendre encore près de deux siècles pour que ce foie gras fasse des émules, sous l’impulsion des pâtissiers strasbourgeois. Ainsi, le pâté de foie
gras truffé en croûte, célébrité gastronomique de l’Alsace, est-elle une pure invention strasbourgeoise ! On la doit à Jean-Joseph Clause, né à Dieuze (Moselle)
en 1757, cuisinier du Maréchal de Contades, qui fut commandant militaire de la province d’Alsace de 1762 à 1788. Clause s’établira à Strasbourg où il
confectionnera ses fameux pâtés avant d’être imité par d’autres.
Foie gras d'Alsace et AOC Muscat 2005
La tradition du foie gras s'est perpétuée après la chute de l'Empire romain en Europe centrale, dans les communautés juives. Les Juifs utilisaient fréquemment
la graisse d'oie pour la cuisson, car le beurre avec la viande et le saindoux leur étaient interdits. De plus, les huiles d'olive et de sésame étaient
difficiles à obtenir en Europe centrale et de l'ouest. Les juifs répandirent l’élevage des oies, de l’Alsace jusqu’à l’Oural, et apprirent à en maîtriser le
gavage, surtout dans les régions où l'on cultive le maïs (qui fut introduit au xviie siècle) et après le développement de l'appertisation : l’Alsace
(l’invention du pâté de foie gras à Strasbourg vers 1780 par Jean-Pierre Clause, cuisinier du maréchal de Contades, est peut-être une légende, mais la recette
date de cette époque) et la Hongrie3. Il est mentionné dans un livre de cuisine de Francfort en 15814.
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